L’année 2019 est marquée par l’entrée en vigueur de nouvelles mesures, liées à la transposition de la directive ATAD 1, principalement axées sur la fiscalité internationale / les grands groupes de sociétés mais n’impactant pas ou peu les PMEs luxembourgeoises. Les seuils de limitation de déductibilité des intérêts impactent davantage les groupes internationaux / le secteur du private equity puisque les intérêts restent entièrement déductibles jusqu’à un montant net de 3.000.000 €.
A contrario, un certain nombre de mesures, entrées en vigueur courant 2018, impactent plus particulièrement les PMEs tout en intéressant les grands groupes (aides / subventions, groupe TVA, etc.).
Cette newsletter vise à rappeler l’ensemble des mesures fiscales entrées en vigueur récemment, et affectant tant les grands groupes que les PMEs locales, afin de répondre aux besoins de l’ensemble de notre clientèle.
A noter que la baisse du taux d’IRC de 18% à 17%, annoncée par le gouvernement, n’a pas encore fait l’objet d’un projet de loi et n’est donc pas en vigueur.
A) Rappel des mesures entrées en vigueur courant 2018
Depuis une nouvelle loi entrée en vigueur au 1er octobre 2018, les demandes de subventions des PMEs commerciales et des PMEs industrielles sont soumises au même régime, supervisé par le Ministère de l’Economie.
Outre la fusion de deux régimes (PMEs commerciales / PMEs industrielles), la nouvelle loi a pour impact principal de changer les délais en matière de demande d’aides. Auparavant, la demande de subvention était à faire dans un délai de 2 ans à compter du décaissement de la dépense pour laquelle l’aide était demandée.
Le nouveau régime fait la distinction entre la demande d’aides (demande à effectuer avant de réaliser l’investissement) et le versement des aides (demande à faire par l’investisseur après la réalisation du projet). On parle d’« effet incitatif ».
Concrètement, la demande de subvention est à faire :
- Soit avant le début des travaux de construction liés à l’investissement,
- Soit avant le premier engagement juridiquement contraignant de commande d’équipement (bon de commande signé / contrat signé),
- Ou avant tout autre engagement rendant l’investissement irréversible,
selon l’événement qui se produit en premier.
Remarque : l’achat de terrains et les préparatifs tels que l’obtention d’autorisations et la réalisation d’études de faisabilité ne sont pas considérés comme le début des travaux.
La demande de versement des aides est à faire en principe après réalisation complète des investissements approuvés lors de la demande préalable, après paiement des factures, et dans un délai maximum de 5 ans après ce paiement.
Le nouveau régime n’a en revanche pas réformé le niveau de l’intensité des aides (10-20% pour le régime PME). De même le régime de minimis est maintenu pour les sociétés excédant les seuils qualifiant une PME.
Contexte
Le groupe TVA a été introduit suite à la réforme du régime du groupement autonome de personnes, qui permettait aux sociétés du secteur financier de se refacturer des services de support, en HT, et d’éviter ainsi d’accroître la charge de TVA non déductible.
Ce régime étant désormais réservé aux services d’intérêt général, le législateur a introduit le groupe TVA, entré en vigueur le 31 juillet 2018.
Utilité
Ce système permet aux membres du groupe TVA de se facturer les services / livraisons de biens en HT, une facturation TTC ayant l’inconvénient d’accroître la charge de TVA en amont non déductible, pour les assujettis partiels ou les non-assujettis.
De plus, lors de refacturations, en cas d’application de la TVA :
- Le montant de TVA non déductible pour le groupe,
- En cas d’assujettis partiels (banques / assurances / sociétés immobilières),
- Était d’autant plus grand du fait de l’application d’une marge lors de la refacturation,
- La marge étant soumise à TVA.
Le but du groupe TVA est donc de permettre une (re)facturation HT entre sociétés du même groupe et d’éviter ainsi une charge de TVA non déductible. Il permet aussi aux assujettis ayant un prorata de déduction de 100% d’optimiser leur gestion de trésorerie lorsque la facturation TTC entraîne un crédit de TVA récurrent, dont il faut demander et attendre le remboursement.
Seules les factures :
- Reçues d’un tiers par une société du groupe
- Ou émises par une société du groupe à l’attention d’un tiers
sont soumises à TVA.
Contrairement au groupement autonome de personnes, le groupe TVA concerne toutes les activités / tous les types de sociétés (assujettis avec prorata de déduction de 100% ou limité, comme non-assujettis) / tous les types de biens ou de services.
Conditions
Il ne peut cependant être mis en place qu’entre sociétés étroitement liées sur les plans (conditions cumulatives) :
Financier (actionnariat détenant la majorité des droits de vote : situation à certifier annuellement par un expert-comptable ou un auditeur sur base de critères identiques à ceux de la consolidation financière)
Économique (activités similaires, complémentaires ou exercées en tout ou partie pour les besoins des activités économiques des autres membres)
Organisationnel (contrôle / direction par la même personne, de façon directe ou indirecte ; concertation au niveau des activités)
Les sociétés membres doivent être résidentes au Luxembourg, il n’y a donc pas de groupe TVA international, même si des succursales luxembourgeoises de sociétés étrangères peuvent y adhérer. De plus, chaque société ne peut être membre que d’un seul groupe TVA à la fois, et doit y adhérer pour au moins deux années civiles.
En cas de constitution d’un groupe TVA, toutes les sociétés remplissant les critères d’éligibilité doivent faire partie du groupe :
- Sauf si les certaines sociétés y renoncent,
- Et sous condition que ces sociétés hors groupe TVA ne soient pas interposées dans le circuit économique entre les membres du groupe,
- Et que cette renonciation ne génère pas une économie de TVA (qui n’aurait pas été obtenue en faisant partie du groupe TVA).
Déclarations TVA
Un numéro de TVA unique est attribué au groupe pour ses rapports avec l’AED et pour la déclaration unique de TVA à soumettre par le groupe. Cette déclaration TVA du groupe récapitule toutes les opérations des membres du groupe avec les tiers (dans le champ d’application de la TVA) ainsi que les opérations intra-groupe (HT).
Les autres sociétés du groupe ne font plus de déclaration TVA. Leurs numéros de TVA deviennent des numéros auxiliaires, à utiliser pour les transactions avec les tiers ainsi que pour les « factures » HT intra-groupe.
Les membres du groupe TVA sont tenus solidairement de la TVA, des amendes et intérêts de retard. La déduction de la TVA en amont reste basée sur le système d’affectation directe ou, à défaut, de prorata général : les règles générales en matière de déduction restent donc applicables.
En revanche, le groupe TVA affecte profondément les relations entre head-office et succursale. Si :
- Une succursale (ou au contraire le siège) appartient à un groupe TVA,
- Les relations entre le siège et la succursale,
- En principe hors champ TVA en l’absence de groupe TVA,
- Tombent dans le champ d’application de la TVA, le groupe TVA étant vu comme un assujetti différent.
Antérieurement, les bons d’achat / cartes cadeaux étaient toujours considérés HT, leur vente étant vue comme sans contrepartie, faute de livraison de marchandise/ prestation de services au moment de l’achat du bon.
Depuis le 1er mars 2018, le régime TVA diffère selon le type de carte cadeau. On distingue le :
- Bon d’achat à usage unique, pour lequel le taux de TVA sur le produit ou le service est déjà connu lors de l’émission du bon (ex. parfumerie / massages relaxants : TVA de 17% applicable sur tous les articles / services). Dans ce cas la TVA s’applique sur ce bon même en cas de transfert entre sociétés du groupe. L’achat du bon par le consommateur se fait TTC (carte cadeau parfumerie TTC 17%)
- Bon d’achat à usage multiple, pour lequel le taux de TVA sur le produit ou le service n’est pas connu lors de l’émission du bon (le taux de TVA sur les vêtements taille adulte et les vêtements taille enfant, vendus par la même boutique, sont différents). Dans ce cas, la TVA ne s’applique pas sur ce bon en cas de transfert entre sociétés du groupe / en cas d’achat par le consommateur (bon HT).
Une législation de prix de transfert en matière de TVA est entrée en vigueur au 31 juillet 2018. Elle permet à l’administration TVA, en cas de transaction entre parties liées, de rectifier la base d’imposition à la TVA/ la TVA déductible / le prorata de déduction si le prix n’est pas conforme à la valeur de marché, particulièrement dans le cas des assujettis partiels ou des non-assujettis qui ne peuvent pas déduire l’intégralité de la TVA.
B) Mesures entrées en vigueur au 1er janvier 2019 (ATAD 1)
Les nouvelles mesures fiscales liées à la transposition de la directive ATAD 1 (Anti Tax Avoidance Directive) sont, à l’exception de celles liées au transfert de siège, entrées en vigueur au 1er janvier 2019. Cette directive s’inscrit comme la réponse de l’Union Européenne au plan BEPS (Base Erosion and Profit Shifting / érosion de la base imposable et transfert des bénéfices) initié par l’OCDE. Il s’agit d’une série de mesures visant à contrer la planification fiscale agressive.
On peut recenser 5 grandes mesures phares d’ATAD 1 :
- La limitation de la déductibilité des intérêts,
- L’introduction de nouvelles règles anti-abus concernant les Sociétés Etrangères Contrôlées (CFC rules),
- Le renforcement des mesures anti-abus existantes, par l’intégration du texte de la clause anti-abus générale (GAAR – Global Anti Abuse Rule), dans le §6 StAnG, qui est le texte servant de base légale à la notion d’abus de droit au Luxembourg,
- L’introduction de nouvelles règles visant à contrer les instruments hybrides (venant s’ajouter à celles, déjà existantes, concernant le régime mère filiales),
- Le remplacement du sursis de paiement, en cas de transfert de siège d’une société luxembourgeoise vers l’étranger, par un échelonnement de paiement (réforme du régime d’exit tax, entrant en vigueur, par dérogation, au 1er janvier 2020).
Seuils
A compter du 1er janvier 2019, la déductibilité des charges d’intérêts est limitée au montant le plus élevé entre :
- 30% de l’EBITDA (résultat avant intérêts, impôts, dépréciations et amortissements)
- Ou 3.000.000 €.
Les PMEs ne sont donc pas visées par cette mesure, qui cible en priorité les multinationales (à titre d’exemple 3.000.000 € d’intérêts correspondent à un taux d’intérêt de 2% pour 150 millions € de dettes/ ou de 6% pour 50 millions € de dettes).
Notion d’intérêts
La définition de la notion d’intérêts est particulièrement large puisque la loi utilise la notion de « coûts d’emprunt », qui inclut « les charges d’intérêts sur toutes les formes de dettes, les autres coûts économiquement équivalents à des intérêts et les charges supportées dans le cadre de financements ».
Les intérêts visés sont ceux liés :
- À des emprunts intra-groupe,
- Et à des emprunts bancaires.
Selon une liste non limitative d’exemple cités par la loi, sont aussi visés par cette définition :
- Les intérêts liés aux emprunts obligataires,
- Les crédits-bails,
- Les intérêts capitalisés inclus dans la valeur de l’actif au bilan commercial,
- Les prêts participatifs,
- Les frais de dossier / de garantie pour la souscription d’un emprunt.
Notion de surcoûts d’emprunt
Seules sont visées les charges nettes d’intérêts (charges d’intérêts – produits d’intérêts) : elles sont qualifiées de surcoûts d’emprunt par la loi.
Cette approche exclut d’office les sociétés de financement réalisant une marge d’intérêts / les activités de financement back-to-back, puisque dans ce cas il s’agit de produits nets d’intérêts et non de charges nettes.
EBITDA « fiscal »
Les revenus exonérés fiscalement (par exemple les dividendes / plus-values exonérés selon le régime mère-filiale) ne sont pas pris en compte dans le calcul de l’EBITDA (on parle d’EBITDA « fiscal »). Cette approche peut réduire le résultat pris en compte pour le calcul de l’EBITDA et diminuer par conséquent le montant des intérêts déductibles.
Double système de report
Il existe également un double système de report :
- Les intérêts non déductibles, parce qu’ayant excédé le seuil de 30% de l’EBITDA et de 3.000.000 € peuvent être reportés, sans limitation dans le temps,
- Sur la capacité de déduction inemployée.
Par capacité de déduction inemployée, on entend les surcoûts d’emprunts / intérêts nets qui excèdent le montant de 3.000.000 € mais qui restent inférieurs au seuil de 30% de l’EBITDA et qui seront reportables sur 5 ans.
Exceptions
Ne sont pas concernés par la limitation de la déductibilité des intérêts :
- Les emprunts contractés avant le 17 juin 2016, sous réserve que leurs dispositions ne soient pas significativement modifiées par la suite (durée, taux d’intérêt, etc.),
- Les sociétés ayant une activité financière : banques, sociétés d’assurance / de réassurance, les OPCVM et Fonds d’Investissement Alternatifs, les sociétés de titrisation régulées,
- Sur demande, les sociétés faisant partie d’un groupe devant établir des comptes consolidés, sous réserve que le ratio entre leurs fonds propres et l’ensemble de leurs actifs soit égal ou supérieur au ratio équivalent du groupe consolidé,
- Les entités autonomes : c’est-à-dire les sociétés ne faisant pas partie d’un groupe consolidé, et n’ayant pas d’entreprise associée (participation directe ou indirecte au capital / droits de vote / droits bénéfices ≥ 25%) ou d’établissement stable dans un autre Etat que le Luxembourg,
- Les emprunts finançant les projets d’infrastructures publiques à long terme (sous conditions) : ce point concerne plus particulièrement les sociétés de travaux publiques fonctionnant selon un système de Partenariat Public Privé / concession avec l’Etat.
Intégration fiscale
L’intégration fiscale n’est pas prise en compte pour le calcul de la déductibilité des intérêts, qui est calculée au niveau de chaque société intégrée en prenant compte son EBITDA individuel. Il est cependant probable, au vu des annonces gouvernementales, qu’une loi vienne amender ce point courant 2019, avec un effet rétroactif au 1er janvier, et que le groupe intégré soit pris en compte, au lieu d’une prise en compte individuelle de chaque société intégrée.
Régime mère filiale
A ce stade, l’interaction de cette nouvelle mesure avec le système de réintégrations du régime mère filiale n’est pas clarifié par la loi. Des précisions devraient là encore intervenir courant 2019.
D’un point de vue pratique, il paraîtrait cependant logique d’exclure, pour le calcul des intérêts non déductibles d’après les dispositions ATAD 1, les intérêts déjà soumis à réintégration selon le régime mère filiale, afin de ne pas aboutir à une double non déduction.
Avec la transposition d’ATAD 1, le Luxembourg se dote de CFC rules (Controlled Foreign Company), qui visent à imposer les revenus d’une filiale, située dans une juridiction offshore ou à faible niveau d’imposition, au niveau de sa société mère luxembourgeoise, alors même qu’aucun dividende n’est distribué.
Le cas visé est celui d’une filiale étrangère sans ou avec peu substance, dont les fonctions économiques (ou au moins les fonctions essentielles) sont en réalité exercées par la société mère luxembourgeoise qui la contrôle, et qui n’a pas les actifs requis pour exercer les fonctions qu’on lui a attribuées et qui par conséquent n’en supporte pas les risques (montage non authentique). Ce sont alors les revenus liés à ces fonctions, artificiellement délocalisés et liés au rôle essentiel de la société mère – mais pas nécessairement tous les revenus de la SEC – qui sont imposables au Luxembourg, dans une approche conforme aux règles de prix de transfert.
La qualification d’une entité étrangère en tant que SEC obéit néanmoins à plusieurs critères précis, tant concernant la notion de contrôle / de détention que concernant son niveau d’imposition dans l’Etat étranger. Des dérogations sont également prévues.
La notion de contrôle
Pour éviter que le fractionnement artificiel des droits de vote / parts sociales permette de contourner la mesure, c’est le contrôle par le contribuable luxembourgeois mais aussi par ses entreprises associées qui est pris en compte.
Par entreprises associées, on entend une société mère détenant – directement ou indirectement – au moins 25% des droits de vote, du capital ou des droits aux bénéfices de sa filiale ou sous-filiale. On peut noter que les personnes physiques comme les sociétés transparentes peuvent aussi constituer une entreprise associée.
Si la société mère luxembourgeoise détient, directement ou indirectement, seule ou de façon globale avec des entreprises associées, plus de 50% des droits de vote ou du capital social ou des droits aux bénéfices de la société étrangère, elle contrôle alors cette entité.
Taux d’imposition de la SEC
En plus des critères de contrôle, la société étrangère ne tombe sous la qualification de SEC que si celle-ci est soumise à un impôt effectif inférieur à la moitié de ce que celle-ci aurait payé au Luxembourg en étant soumise à l’IRC (prise en compte du taux de l’IRC mais aussi de la base imposable).
C’est-à-dire que l’on compare non pas le taux nominal de l’Etat de la SEC, mais bien l’impôt réellement payé par la SEC.
Le fait que la société étrangère ne paye pas d’impôts simplement à cause d’un report de pertes est pris en compte, et n’entraîne pas d’office sa qualification en tant que SEC.
Détermination du revenu de la SEC imposable au Luxembourg
Le prorata des revenus nets de la SEC à imposer au Luxembourg à l’IRC (mais non à l’ICC) correspond à la quote-part de valeur créée par la société luxembourgeoise, du fait des fonctions exercées, des risques supportés, des actifs détenus au Luxembourg mais ayant générés des revenus au niveau de la SEC. C’est donc une analyse conforme aux prix de transfert qui doit être effectuée.
Une fois que le revenu net imposable au Luxembourg est déterminé, il convient encore de l’allouer à la société ayant exercé les fonctions clés, en fonction du prorata de sa participation (pourcentage des droits de vote, du capital, des droits aux bénéfices). L’IRC luxembourgeois lié à cette base imposable est encore réduit du montant de l’impôt étranger payé par la SEC, au prorata de la participation de la société luxembourgeoise dans la SEC.
Exceptions
Les sociétés dont le bénéfice commercial est :
- inférieur à 750.000 €,
- ou inférieur à 10% des coûts de fonctionnement (hors coûts des biens vendus en dehors de leur Etat de résidence et hors paiements aux entreprises associées)
ne sont pas concernées par ces mesures.
La transposition d’ATAD 1 a donné lieu à une modernisation des dispositions anti-abus du droit luxembourgeois, qui n’avaient plus été mises à jour depuis leur adoption en 1934. Il s’agit principalement d’adapter les dispositions initiales du paragraphe aux exigences de la directive, tout en veillant à la cohérence entre les anciennes et nouvelles dispositions / interprétations.
Le nouveau texte fait ainsi le lien entre la notion initiale, introduite par la disposition de 1934, sur les abus des formes et institutions du droit / notion de voie juridique inadéquate avec celle, nouvelle, de montage / voie non authentique. La notion de construction artificielle au but principalement fiscal, déjà existante dans le texte de 1934, est précisée à travers la nouvelle notion d’absence de motifs commerciaux valables, qui reflètent la réalité économique.
C’est aussi un choix de continuité qui a été fait par le législateur, qui maintient la validité de la jurisprudence antérieure sur l’application du §6 StAnG, comme souligné par les commentaires parlementaires.
Si un avantage fiscal allant à l’encontre de l’objet ou de la finalité de la loi fiscale est reconnu, alors les impôts sont à établir comme « ils auraient dû l’être au cas où la voie juridique utilisée avait été authentique ». On ignore donc le montage abusif et rétablit la situation comme elle aurait dû être.
Enfin, le champ d’application du §6 StAnG s’étend à tous les impôts directs, et non pas uniquement à l’IRC. De plus, cette clause s’applique dans des situations intra et extra-UE, aux personnes morales comme aux personnes physiques. La clause générale anti-abus transposée en droit luxembourgeois va donc plus loin que la portée initiale de la directive européenne.
On peut souligner que la Règle Générale Anti Abus / le GAAR ne s’applique que lorsque les autres dispositions anti-abus, spécifiques, ne s’appliquent pas : la règle spécifique anti-abus pour l’application du régime mère filiale, les règles anti-hybrides ou les CFC rules priment sur le GAAR.
Le but du dispositif est de lutter contre les différences de qualification juridique d’un instrument financier entre deux Etats membres, aboutissant :
- À une double déduction : déduction des charges au Luxembourg, et dans l’autre Etat membre, qui est à l’origine des dépenses d’exploitation. Ces dépenses d’exploitation deviennent alors non déductibles au Luxembourg.
- Ou à une déduction au Luxembourg, qui est à l’origine de ces paiements, sans prise en compte dans l’autre Etat-Membre (produit non inclus dans le résultat dans l’autre Etat-Membre) : dans ce cas ces paiements deviennent non déductibles au Luxembourg. C’est le cas par exemple du Profit Participating Loan visé par les commentaires du projet de loi (paiements traités comme intérêt par un Etat Membre et comme dividende dans un autre Etat Membre).
Le type de dépense d’exploitation (intérêts, bonis, participation aux bénéfices, etc.) est sans importance, seul compte l’état de double déduction / déduction sans prise en compte dans l’autre Etat.
Régime applicable en 2019 : sursis de paiement de l’impôt
Le dispositif existant permet à une société ou à un établissement stable transférant son siège hors du Luxembourg de bénéficier, sous conditions, d’un sursis de paiement concernant la cote d’impôt fixée sur les plus-values latentes, cette opération étant assimilée à une liquidation.
Le montant de l’impôt est connu au moment du transfert de siège, mais celui-ci ne sera dû qu’en cas de vente des actifs après transfert du siège à l’étranger. Tant que les actifs auxquels la cote d’impôt luxembourgeoise est liée ne sont pas vendus, aucun impôt n’est à décaisser.
Régime applicable dès le 1er janvier 2020 : sursis de paiement remplacé par un échelonnement du paiement de l’impôt
A compter du 1er janvier 2020, ce sursis de paiement est remplacé :
- par un échelonnement linéaire du paiement de l’impôt, sur demande, sur une période maximale de 5 ans, sans intérêts,
- en cas de transfert de siège ou de biens isolés faisant partie de l’actif net investi d’une entreprise / d’un établissement stable,
- à condition que le transfert de siège ou le transfert de biens se fasse vers un Etat Membre de l’UE ou – sous réserve d’accords fiscaux en matière de recouvrement de créances – vers un Etat de l’Espace Economique Européen (EEE).
Exceptions
Par dérogation le transfert temporaire (12 mois maximum) de biens dans le cadre de :
- Financement sur titres ou de biens donnés en garantie
- Règles prudentielles en matière de fonds propres ou à des fins de gestion de liquidités
restent sans impact fiscal (pas de révélation des plus-values latentes).
Remise en cause du délai de paiement
En revanche, le délai de paiement est remis en cause lorsque :
- Les biens ou l’activité transférés sont cédés (sauf dans le cadre d’un apport d’une entreprise ou d’une branche d’activité dans un autre Etat Membre de l’UE),
- Les biens ou le siège social sont à nouveau transférés dans un Etat hors UE ou dans un Etat de l’EEE n’ayant pas d’accord en matière de recouvrement de créances,
- Le contribuable fait faillite ou est mis en liquidation,
- Ne respecte pas les obligations de paiement liés à l’échelonnement d’impôt,
- Ne documente pas annuellement qu’il n’y a pas eu de nouveau transfert des biens / du siège social.
Remarques
On peut noter que les sursis de paiement accordés jusqu’au 31 décembre 2019 ne seront pas remis en cause par l’entrée en vigueur du nouveau régime au 1er janvier 2020. Les contribuables envisageant un transfert de biens / de siège disposent donc d’un délai d’encore un an pour bénéficier du sursis de paiement à la place de l’échelonnement.
Pour rappel, le mécanisme de sursis / d’échelonnement de paiement n’a cependant pas d’intérêt en cas d’absence de plus-value, de plus-value imposable compensée par des pertes fiscales ou en cas de plus-value exonérée du fait du régime mère filiale par exemple.
Enfin, symétriquement, les articles 35 LIR et 43 LIR sont amendés de façon à ce que le Luxembourg reconnaisse, en cas de transfert du siège / de biens d’une société de l’étranger vers le Luxembourg, la valeur de marché établie par l’Etat de départ (step-up).